Coronavirus : une Chinoise tuée par la police pour avoir tenté de fuir la quarantaine ? Pas si vite…

Alors que les fausses informations continuent de se multiplier sur les réseaux sociaux autour du coronavirus originaire de Wuhan, en Chine, une vidéo a particulièrement circulé sur Twitter. Elle aurait été tournée dans le Hubei, la province dont Wuhan est la capitale, et serait révélatrice du "climat de terreur" qui y règne, avec des policiers qui n’hésiteraient pas à tuer tous ceux qui ne se soumettent pas aux strictes règles sanitaires mises en place par Pékin. Mais attention, ces images n’ont rien à voir avec l’épidémie de coronavirus qui frappe actuellement la Chine.

La vidéo de 21 secondes a récolté des centaines de milliers de vues sur les réseaux sociaux, principalement sur Twitter. On y voit une personne inanimée sur le sol, en veste jaune et pantalon noir, le visage ensanglanté. En fond sonore, on entend des cris et, à la fin de la vidéo, on aperçoit une femme se précipiter vers elle.

Les internautes qui partagent les images affirment que la personne à terre est "une femme mortellement touchée par balles" par la police alors qu’elle tentait de "forcer un barrage installé pour freiner la propagation du virus" à Wuzu, dans la province du Hubei.

"Dans la ville de Wuzu, comté de Huangmei à Hubei, une femme aurait été abattue alors tentait de forcer le barrage mis en place pour lutter contre le coronavirus", affirme cette internaute sur Twitter. La même affirmation a été reprise dans de nombreuses langues, dont le français.

S’il est vrai que la vidéo a été filmée dans la petite ville de Wuzu, située à environ 200 km à l’est de Wuhan, plusieurs éléments dans l’image nous permettent cependant de douter de la version partagée par ces internautes.
 
Pourquoi c’est faux

Notre rédaction a pu s’entretenir avec Zhang W., un habitant de Wuzu qui a souhaité garder l’anonymat. Il n’a pas assisté directement à la scène mais il a pu discuter avec plusieurs témoins directs.
 
Je peux confirmer que la scène a été filmée à Wuzu, devant l’école Siyuan le 29 janvier 2020. J’habite juste à côté et plusieurs de mes amis sont passés par là au moment du drame. Mais, contrairement à ce que les gens disent sur Twitter, la personne au sol n’est pas une femme, c’est un jeune homme, et il n’a pas été tué par la police, il a eu un accident de moto.

À la fin d’une version de cette même vidéo envoyée par Zhang W., on aperçoit une image supplémentaire pendant une fraction de secondes. En faisant pause, on distingue sur le trottoir, à quelques mètres de la personne au sol, un véhicule deux-
roues couché sur le côté. Un peu plus tôt dans la vidéo, à 0’04, on remarque également qu’un morceau de rebord en béton entourant l’un des arbres a visiblement reçu un choc.

Ces éléments confortent la théorie de l’accident de circulation.

Zhang W. a fourni à la rédaction des Observateurs plusieurs captures d’écran de discussions tenues dans un groupe d’habitants de Wuzu sur l’application WeChat ainsi qu’une autre vidéo montrant la même scène, filmée depuis une voiture en mouvement.
À gauche, une capture d'écran de conversation d'un groupe d'habitants de Wuzu sur WeChat. Au centre, une deuxième vidéo de la scène, partagée dans cette conversation, montre la même scène d'un autre point de vue, ce qu'on remarque en la comparant avec une capture d'écran de la première vidéo, à droite.

Dans les messages accompagnant cette vidéo, on peut notamment lire : "Deux adolescents roulaient trop vite à scooter. Ils ont percuté le bord de la route et ont perdu le contrôle. Le conducteur du scooter est mort."

Zhang W. a par ailleurs transféré à notre rédaction un communiqué du directeur du commissariat de Wuzu, Commissaire Zhao.
Dans l’après-midi du 29 janvier, un accident de la route unilatéral [ne concernant qu’un seul véhicule] s’est produit dans la ville de Wuzu. La personne impliquée conduisait un scooter et, à cause d’une mauvaise manœuvre, elle s’est déportée sur le côté de la route, a percuté les pierres le long du rebord et est tombée sur l’arrière de la tête, et est malheureusement décédée. Le conducteur était le seul responsable. La police de la circulation, la police locale et les travailleurs du centre de santé sont rapidement arrivés sur place pour gérer l’accident", déclare le directeur du commissariat avant de dénoncer la propagation des rumeurs.
 
Conclusion

Il apparaît donc que cette vidéo, authentique, a été sortie de son contexte pour alimenter des discours alarmistes autour du coronavirus sur les réseaux sociaux.

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